Le rôle de la documentation - l'exemple des langues

lundi, avril 17, 2017 Iris 2 Comments

Aujourd'hui un détour par la recherche documentaire.

Dans le jeu, les langues exotiques sont pratiquées par des créatures inquiétantes et mystérieuses. Comment décrire ce qui n'existe pas dans notre réalité ? Il ne suffit pas de dire aux joueurs "il parle / incante dans une langue inconnue" pour transmettre une émotion. Décrire des sons demeure délicat, tout autant que concevoir un langage inédit (Tolkien a passé sa vie à cette tâche et et il était linguiste).

Pour au moins me donner des jalons, des tendances, j'ai mené quelques recherches pour clarifier les choses dans mon esprit. Il s'agit d'une étape préalable de documentation qui permet par la suite d'essayer de nommer la sensation des sons et des mots, voire de créer quelques formules magiques, prières ou énigmes dans ces langues exotiques.


Démoniaque


Sur le plan sonore, j'ai été assez marquée par les chants polyphoniques mongols (exemple et ici) et les chants diphoniques. On retrouve cette sensation dans des chants tibétains également. Il y a là une esthétique assez étrange par rapport aux mélodies les plus communes en occident, et ce faisant aisément dérangeante (même si je trouve ça par ailleurs vraiment intéressant).

Culturellement nous sommes habitués à ce que certains noms de démons aient des sonorités tirées de l'hébreu ancien, du grec ancien, de l'amharique, voire du sanskrit.

Ainsi pourrait-on imaginer que la manière dont des voix maléfiques se font entendre dans des lieux maudits ou sur Mélancolia pourrait se rapprocher des chants.

Céleste


Pour le céleste, je cherchais une sensation plus suave et "ronde", et ce qui s'en rapprochait le plus s'avérait être l'égyptien hiéroglyphique. Je trouvais par ailleurs très séduisant que cette langue se désigne elle-même comme  mdw-ntr (prononcez médou nétcher), c’est-à-dire les paroles du dieu.
 
Portée à associer le céleste et le paradis à l'ancien testament (on ne se défait pas facilement d'une longue acculturation), j'y verrai bien des sonorités proches de l'ancien hébreux.

Diabolique


Le hasard m'a amenée un jour à découvrir le site de l'association assyrophile de France qui met à disposition sur Internet un dictionnaire de cette langue. L'esthétique de l'écriture cunéiforme et la sonorité de la langue akkadienne et de ses voisines mésopotamiennes, m'inspirent une sensation solennelle, impériale et millénaire.

Draconique


Pour le draconique, il me semble important d'avoir des sonorités puissantes, grondantes, susceptibles d'évoquer des cris ou des grognements, un peu comme ce qui avait été fait pour le jeu vidéo The Elder Scroll V : Skyrim, paru en 2011.

Du côté des langues, celles de Mésoamérique (maya notamment) ont des noms très longs, difficiles à prononcer -- du moins pour moi -- et une grande complexité de l'écriture. La complexité me paraît un élément important pour une langue utilisée dans les arcanes depuis des milliers d'années.

Profond


Le profond est fondamentalement lovecraftien dans l'image et la sensation sonore. Il se doit d'être inquiétant, dérangeant, presque impossible à comprendre car utilisant des modes de transmission du message par des moyens inattendus : des vibrations, craquements et tremblements difficiles à reproduire pour les cordes vocales humanoïde.

Il existe des langues qui paraissent presque impossible à articuler et à écrire : les langues à clic (langues khoïsan et voisines). Début et fin des mots sont quasi indiscernables, les sons sont si subtils, qu'une oreille non entraînée ne sait pas les distinguer et peut même les prendre pour du bruit. C'est surprenant et assez musical en même temps.

Originel

Pour la langue primale des esprits sauvages, je me demandais comment des éléments peuvent "parler", et cela m'orientait plutôt vers des sonorités minérales : souffle, écho, résonance, vibrations...

Pour le volet "mot", les langues amérindiennes d'Amérique du Nord recèlent pas mal de potentiel, avec des mots interminables, parfois l'usage de très peu de consonnes (comme le polonais, mais en bien pire). La difficulté à prononcer, et la sonorité chantante, exotique pour notre oreille, me paraissait une bonne piste pour imaginer à quoi cette langue pouvait ressembler et comment la décrire.

Sylvestre

Sur le sylvestre aucune véritable langue de base, mais et presque uniquement des sensations sonores : une langue sifflée qui évoque les chants d’oiseau et le murmure du vent dans les arbres. Les infrasons et ultrasons, inaccessibles aux oreilles humaines me paraissent un bon ressort dramatique. Ainsi peut-on imaginer que beaucoup de locuteurs du sylvestre capables d’échanger dans des tons très aigus, parfois même dans les ultrasons. Il pourrait arriver ainsi que les êtres féeriques discutent de manière inaudible pour des intrus humains qui s’étonnent de voir les chiens les accompagnant réagir avec inquiétude ou curiosité.




... et pour illustrer... le chien qui entend le message... que personne d'autre n'entend...


Représentation du molosse par Lison



Et un aperçu du Toutou quand il va bien



2 commentaires: